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Projet de loi 92 : Un accès à la justice plutôt qu’un tribunal spécialisé

Les Associations d’avocats.es de la défense (AQAAD, AADM, AADQ et AADO) ont pris connaissance du « Mémoire de la Cour du Québec et du Conseil de la Magistrature du Québec à l’intention des membres de la Commission des Institutions » daté du 25 octobre 2021.

Voici leurs réactions.

Les Associations d’avocats.es de la défense (AQAAD, AADM, AADQ et AADO) ont pris connaissance du « Mémoire de la Cour du Québec et du Conseil de la Magistrature du Québec à l’intention des membres de la Commission des Institutions » daté du 25 octobre 2021. Nous avons aussi entendu les commentaires du ministre de la Justice du Québec lors de différentes sorties publiques à ce sujet.

Il nous apparaît opportun d’insister sur l’à-propos de messages importants contenus dans le Mémoire de la Cour du Québec.  En effet, ce qui se rapporte aux discussions entourant l’adoption du projet de loi, le vocabulaire utilisé et la perception du système de justice inquiètent les acteurs du système.  

Cette inquiétude est trop souvent confondue avec une réticence au changement, alors que nous souhaitons préserver des principes de justice fondamentale.  

 

Tribunal spécialisé et juges spécialisés  

Le projet de loi ne prévoit pas explicitement que des juges soient assignés exclusivement à cette nouvelle division. Néanmoins, il est opportun pour les intervenants du système de justice concernés de souligner au ministre qu’une telle direction ne doit surtout pas être empruntée. Comme le mémoire de la Cour du Québec en fait mention, des interventions [1] auraient eu lieu en ce sens.  

Ainsi, nous partageons les préoccupations qui concernent le contenu et l’objectif du programme de perfectionnement sur les réalités relatives à la violence sexuelle et à la violence conjugale. Ledit programme viserait à impliquer la magistrature directement dans les services d’aide et d’accompagnement des personnes plaignantes.  

Le ministre met de l’avant le principe de la séparation des pouvoirs pour justifier le fait de ne pas avoir invité la juge en chef de la Cour du Québec dans les travaux entourant le projet de loi. Or, cette « séparation » est aussi nécessaire entre la magistrature et les plaignants.es. Les services d’aide et d’accompagnement sont la responsabilité du gouvernement. En entrevue, le ministre référait à sa réforme du régime d’indemnisation pour les victimes d’actes criminels (IVAC). Au même effet, les centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) sont des organismes sans but lucratif présents dans les palais de justice et qui sont régis par la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels. Leur mission vise spécifiquement l’accompagnement des personnes victimes. La bonification de ces programmes serait à privilégier.

 

Division Accès  

La Cour du Québec expose dans le mémoire une organisation modifiée des activités judiciaires qui constituerait plutôt une division nommée ACCES. Il s’agit de remanier la gestion des dossiers pour améliorer la communication entre les différents intervenants, améliorer les délais et regrouper les dossiers.    

Les Associations ont l’intention de prendre part activement à ces initiatives mises sur pied dans un souci de préserver les bonnes pratiques qui prennent appui sur l'expérience judiciaire et l'évolution des connaissances.   D’ailleurs, la pratique du droit en matière criminelle en 2021 ne peut se faire sans une préoccupation importante envers les dangers que représentent les mythes et stéréotypes, tant à l'égard des plaignants.es, des témoins que des accusés. De nombreuses formations offertes tant aux avocats qu’à la magistrature abordent ces sujets. En voulant mettre l’accent sur la réalité de la violence sexuelle et conjugale, l’effet direct du programme visé dans le projet de loi sera d’évacuer ou au moins d’atténuer l’effet des considérations relatives à la présomption d’innocence et l’indépendance judiciaire. Or, ces principes ne doivent souffrir d’aucune exception. Ils sont la base d’un système qui garantit qu’un accusé n’est pas coupable avant la preuve du contraire et que celui chargé d’en décider est neutre, impartial.  

 

Consultation publique  

Pour revenir au principe de la séparation des pouvoirs, le mémoire de la Cour du Québec ne constitue pas selon nous de l’ingérence dans les pouvoirs politiques. Il est question d’écouter et de dialoguer avec des acteurs qui possèdent des connaissances pertinentes pour assurer le succès du projet de loi.  

Les Associations ont multiplié les demandes de participer au comité chargé d’étudier la question de la mise sur pied d’un tribunal spécialisé en matière d’agression sexuelle.[2] Les membres de la Commission des institutions ont tout intérêt à entendre et comprendre les observations des acteurs du système de justice.

 

Me Michel Lebrun, président, Association québécoise des avocats et avocates de la défense

Me Élizabeth Ménard, présidente, Association des avocat.e.s de la défense de Montréal-Laval-Longueuil
 
Me Dominique Cantin, présidente, Association des avocats et avocates de la défense de Québec
 
Me Jean-François Benoit, président, Association des avocats et avocates de la défense de l’Outaouais
 

[1] Mémoire, p. 6

[2] Un communiqué a été émis par l’AQAAD le 9 février 2021. https://www.aqaad.com/fr/nouvelles/projet-de-loi-92  L’AADM avait communiqué par écrit avec le ministre Jolin-Barrette les 22 octobre 2020 et 11 janvier 2021. https://www.aadm.ca/fr/nouvelles/vague-de-denonciation-traitement-des-dossiers-en-matiere-d-agression-sexuelle 

 

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